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Mai 2009 : chez Encres Vives, collection Lieu :
castillanes/.doc (Madrid, & Castille)
Extraits :
...Gran Via huit heures ce matin une trop jeune fille en bottes blanches attend les hommes qui ont faim ventres libres à toute heure dans la ville et glaces et fringues et tortillas et tout à toute heuredes jolies belles au soir en dents & cheveux n'en plus finir enlacées aux garçons & movidantes si joyeusement
juste avant le jour derniers éclats de nuit le corps ralenti frissonne fraîcheur subite d'où peut-elle venir fenêtre entrouverte sur un patio murmurante fontaine en ruissellement sur les carreaux bleus filaments de songes sous les paupières & vient une envie peau à peau où retrouver le puits de la nuit du désir
sous les ocres patientent les salamanquaises spendeurs entre marchands cartes postales petites boîtes grenouilles en porcelaine & toros en plastique toutes couilles pendantes crayons stylos glaces take away mais la nuit est bleue si bleue au café Dominicos c'est écrit lugar de viajeros, poetas, bohemios y artistas je me suis dit ç'est mieux et il y a moins de monde qu'ailleurs je me suis arrêtée et tous les jours revenue voir le haut des cyprès disparaître dans la nuit bleue si bleue devant une Campocruz glacée amère
perdu en ses jardins Aranjuez orangers étincelants bassins s'y noient les notes d'un putain de concerto -joli très joli- mais sucré bien trop fandangos et séguedilles ô ma charmante si volantée épaule à cru sous le polyester et du rouge à lèvres abondamment
implorantes madones en chromos criards habitent le coin des rues empesées dans leurs sourires dentelles
un roi une reine pour les magazines toujours bien souriants rien à voir avec cette reine folle & son macabre cortège Jeanne reine de Castille et d'Aragon longs cris lugubres au fond des palais enfermée jusqu'à mourir (...)
pour commander le recueil :adresser un chèque de 6,80 euros (port inclus) àMichel CosemEncres Vives2, allée des Allobroges31770 COLOMIERS
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Solaires
(triptyque sur fond noir)
Dessins : Jean-Marc Couvé Textes : Gaëlle Josse
Eté 2009
I
le jour montant et ses soleils oranges dérobés aux dieux ou sait-on à qui ?
nous tenions l’aube entre nos mains & des brisures de nuages rubans égarés jetés là en offrande incertaine
nous tenions l’aube entre nos mains et
ses flèches tendues vers le jour
pour y accrocher nos oublis nos peines nos errances
nous tenions l’aube entre nos mains oui
l’aube en marche l’aube vagabonde oscillante tendue
entre deux ciels
nous tenions l’aube entre nos mains à tenter
de retenir ses couleurs et peindre
quelque instant enfui
nous tenions l’aube entre nos mains décidés
à courir vers
des joies dispersées
nous tenions l’aube entre nos mains l’aube
éveillée prête à éclairer
notre pas de danse
et ce fut le jour _____________________
II
violente oh violente elle te regarde
or et argile mêlés à ses cheveux
elle te regarde
dans ses yeux mille ans de désirs
de désirs très anciens aux yeux de loup
elle te regarde
& t’attend dans l’ombre sauvage
de sa nuit
elle t’attend
ses mains cherchent
les tiennes pour d’incandescentes
célébrations veines battantes au temps
suspendu au temps infini
des gestes dépliés
elle t’attend
pour te réapprendre à prier en quelque
abbaye disparue puis t’emporter dans ses galops
elle t’attend
pour te parler dans ses brumes
infinies et leurs couleurs blessées
elle t’attend
pour te brûler dans ses soleils
ses hanches des roues de feu
& ses cheveux comme des haubans
elle t’attend
pour te murmurer qu’elle pleure
le jour et rit aux soleils descendus
elle t’attend
pour te dire qu’elle est folle &
qu’elle est libre et
devant toi sans mémoire _____________
Retrouvez ce texte et cette peinture
également sur le site de Cathy Garcia
avec toute sa création poétique et son univers personnel, engagé et incisif !
voir aussi le site de sa revue Nouveaux Délits, à visiter absolument.
III
au labyrinthe
nomades serpentines
virevoltes flèches interrompues
mêlées
aux feuillets de nos vies éparpillés
en bord du fleuve
déchiffrer
la ligne du chant
dans ses désordres/l’inventer et
alors nous irons
en chemins de lavandes de sauges de blés en chemins
de joies de pain tiède de vin partagé
en baladins légers éveillés &
que la nuit n’effraie plus
____________
____________________________
Waiting birds
défaut d’envol avis de tempête vie
indécise qu’attends tu l’ami dans ces ports où
tu rêvais de vents porteurs
& voler haut si
haut voir
la terre s’arrondir ?
au temps passé qu’est devenu ton chant
ton chant d’ivresse
pauvre piaillement qui te fais frissonner espérer
moins de vent moins
de pluie moins d’hivers désir
d’une saison à la douceur
de sable
y abriter l’aveu
d’une attente infinie
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Lignes croisées
Ce matin, elle est blonde. Dans le secret de sa salle de bain, elle s’est inventé un autre elle-même, une autre façon de vivre le monde. Une éclaircie de tout son être. Une légèreté qu’elle se découvre. Sur le quai, elle interroge les regards. D’allégresse elle se sourit.
Nos cheminements souterrains vers l’essentiel Tant d’incertain à déchiffrer Saurons-nous aimer ce qui nous demeure obscur ?
Elle parle des cerises de son jardin, de la couleur rouge et des oiseaux. Elle n’est pas ici, dans la confusion des voix, dans le brouhaha des annonces sonores. Ses compagnons de voyage l’écoutent peu. Elle parle des cerises de son jardin. Nul ne peut l’interrompre.
Vivre à la croisée de tous les silences J’ai bu l’eau de fontaines éblouies
Il porte une casquette de marin pêcheur et une veste en lainage marron. Il monte dans le wagon avec un petit sac de voyage apparemment très lourd. Il souffle et cherche des yeux un siège libre. Il cale le sac entre ses jambes et parle tout seul. Il dit que c’est très long comme voyage.
Des mains engourdies par la traversée des temps Le bleu des veines y a pris toute la place. Le bruit des jours comme une mer
De dos, les cheveux aux reins. Noirs. Une silhouette d’adolescente. Elle se retourne. Son visage a mille ans.
Ces instants de vérité qui nous échappent Ce qui parle de nous est insaisissable
Elle dit que sa mère ne va pas très bien. Par moments elle perd la mémoire. S’affole quand elle s’en rend compte. Son père n’est pas d’un grand secours. Il veut la rassurer, il dit que ce n’est pas très grave. Il ne veut pas voir. Ils habitent loin. Pour la fête des mères, elle va y aller. Elle ne sait pas encore quoi offrir. Elle se tait. Elle hausse les épaules. Sa voisine l’écoute, hoche la tête. Se tait.
Un parfum entêtant de fleurs blanches Du troène je crois Dans que jardin était-ce ? Descendre au cœur du sommeil là où les songes prennent vie
Il parle de son week-end. Il avait les enfants. Il n’a pas fait beau, il a dû annuler la sortie prévue. Il trouve que les enfants passent beaucoup de temps sur l’ordinateur. Ils ont demandé de nouveaux vêtements. Il leur acheté ce qu’ils voulaient. Finalement, ça a été un bon week-end.
Ces invisibles accomplissements de nous seuls perceptibles Un air qui s’enroule autour de l’âme Il annonce le soir et apprivoise l’ombre mauve
Il propose un journal qui recense les restaurants les moins chers de Paris. Il explique qu’une partie du prix lui revient et que ceci lui évite de mendier. Il ajoute que ce n’est pas drôle de faire cela et qu’il n’aime pas importuner les voyageurs qui ont aussi leurs soucis. Il continue à parler mais le bruit de la rame couvre sa voix. Personne ne le regarde.
Les fugues les déroutes les errances avant d’être Nos vérités aux contours hésitants Celles qui nous attendent avec patience
Belle. Elle l’est encore. Belle avant la défaite. Avant de rendre les armes. Une robe claire trop élégante pour le métro. Visage lisse, profil précis. Quelque chose d’enfantin. Le nez peut-être. Elle observe son reflet dans la vitre. Une de ses pommettes tressaille chaque seconde. A peine. Une infime décharge électrique, un spasme, une crispation. Quels soubresauts intérieurs, quelle in tranquillité affleurent à la surface ?
La grâce d’une silhouette aperçue Un scherzo Une danse Ce qui se joue dans cette chambre close auprès d’un prénom oublié
Il consulte l’écran de son téléphone mobile comme si sa vie en dépendait. Le replace dans sa poche. Le sort à nouveau. Son destin au creux de la main.
Quelque chose à accomplir quelque chose à recevoir Une voix veille sur notre sommeil Ecouter sa mémoire qui tremble
Le wagon lève la tête. Une voix rauque, une voix de ventre module un chant mi-tsigane, mi-oriental. La femme se tient à la barre verticale, très droite dans un paquet de jupons fleuris qui traînent à terre. Elle a une dent en or, celle d’à côté est manquante. Elle ferme les yeux en chantant. Quand elle a fini, elle reprend son souffle et parcourt le wagon en tendant un gobelet en plastique beige fendu en plusieurs endroits. Elle remercie sans sourire. Elle descend à l’arrêt et monte dans un autre wagon.
La ronde des hirondelles les soirs d’été les soirs d’enfance Une stridence tournoyante Vit-on ailleurs qu’en exil ?
Elles montent dans le wagon et s’assoient côte à côte. L’enfant a dix ans peut-être. Asiatiques toutes deux. Elles tiennent un étui à violon à la main. Plus petit pour l’enfant. La mère explique quelque chose de sérieux à la petite fille. L’enfant acquiesce, montre qu’elle a compris. Elles parlent en japonais. La mère remet en place une barrette dans les cheveux noirs et lisses de sa fille. Son regard s’adoucit. Elles poursuivent le trajet en silence.
Un répit Des roses des bras d’enfants Cette joie à s’attarder à ne rien attendre Une lumière d’Annonciation derrière les nuages
Debout, il lit la Bible dans une édition espagnole. Le livre de Samuel. Le volume est posé dans une pochette de cuir ourlée d’une fermeture Eclair. Avant de tourner la page il fait un signe de croix.
Lasse elle souriait encore Te souviens-tu de sa voix ? Ces pauvres gestes pour accompagner nos morts Ces gestes de délivrance qui apaisent les vivants.
Il lit un document épais, imprimé en noir et blanc, relié par un rouleau en plastique. Des courbes, des graphique, des chiffres, des pourcentages. Il est immergé dans le papier. Un stylo à la main, il note de temps à autre quelque chose avec nervosité. Un post-it jaune vif annoté s’échappe et tombe à terre. Il se penche pour le ramasser et perd son stylo sous le siège d’en face. Il ferme les yeux un instant.
Des impatiences des abandons qui traversent Violents comme des désirs Dans quel voyage dans quelle absence ?
Elle dit qu’il regarde sa montre quand elle arrive le matin. Elle dit qu’elle le hait rien que pour cela, qu’elle ne veut plus travailler là mais qu’elle manque de temps pour chercher autre chose et qu’elle n’a pas assez d’ancienneté. Elle dit très vite et toi comment ça va ? à sa compagne.
La terre la forêt la nuit De vieilles terreurs qui remuent encore Ces minuscules désarrois qui nous assaillent dans la clarté du jour, comment les nommer ?
« Quand il se saisit d’une figue dans une corbeille posée sur la table basse, il croit savourer un avant-goût de la chair tendre qu’à la lueur… » Elle lit Les amants de Grenade dans une édition recouverte d’une couverture glacée. Le volume ouvert sur son sac posé sur les genoux, elle tourne la page avec lenteur et lisse de la main la nouvelle page à lire
La part de notre intime reconnue dans chaque visage vient nous parler Prête à être recueillie dans le silence Tracer un cercle relier quelques éblouissements quoi d’autre ?
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