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    Le Figaro littéraire, 03 février 2011

     

    Par Astrid de Larminat

    Les vestiges du jour

    Le 12 du mois de novembre 1678, une femme ouvre son écritoire afin de soulager l'angoisse qui l'étreint quand le jour tombe. Pour mettre de l'ordre dans son cœur et un peu de paix dans son âme, se souvenir des joies passées et recueillir ses peines, elle confie son histoire au papier.

    Magdalena Van Beyren est l'épouse d'un riche armateur de Delft. Des huit enfants qu'elle a portés, cinq sont encore en vie, et ils font sa joie. Les années qui passent effacent de sa mémoire le visage des autres, et cela la hante. Elle a trente-six ans, l'âge où l'on découvre que la vie ne ressemble pas à l'idée qu'on en avait. Elle n'en conçoit pas d'amertume.

    Contemporaine de la princesse de Clèves, elle est d'un temps où l'on accepte ce qui arrive et contre quoi l'on ne peut rien. Sa vie fut douce mais certains événements ont déchiré son cœur. Elle les raconte avec une pudeur désarmante. En toutes circonstances, elle s'efforce de rester juste dans ses jugements et dans ses affections.

    C'est le tableau du peintre hollandais Emmanuel De Witte où l'on voit une femme assise de dos à son clavecin qui a inspiré ce texte. Fascinée par l'atmosphère mystérieuse de cette scène d'intérieur, Gaëlle Josse a tenté d'imaginer qui était cette femme. Magdalena est née. Sa délicatesse de sentiments, l'élégance et la simplicité dont elle fait preuve dans la douleur font ressortir la vulgarité avec laquelle nos passions contemporaines s'épanchent parfois. L'exceptionnel silence qui enveloppe ce texte nous fait prendre conscience par contraste du vacarme où se déroule ordinairement l'existence.

    • «Les Heures silencieuses», de Gaëlle Josse, Autrement, 140 p., 13 €.

    Voir l'article sur le site du Figaro


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