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    (...)

    des anges des obélisques des fontaines des bus des vitrines des terrasses de café des éclats de temple des églises des kiosques à journaux des marchands de glace chewing gum bibite gelati hot pizza & tous ces affairements de la ville sous nos yeux frémissante pressée dans sa course sur les plis du temps

     

    l’appartement loué on s’y invente à toute allure des habitudes une intimité de menus rites comme si depuis toujours apprivoiser le gaz l’eau chaude pour la douche l’orientation des lampes déjà des livres au pied du lit et la météo sur Rai Uno en musique de fond déjà la drogheria repérée au bout de la rue déjà le café-couloir juste en bas adopté & comment savoir ce qui va se jouer au tiède de cette chambre ?
     

    je comprends les hommes je comprends qu’ils soient fous du corps des femmes moi je suis folle de celui de Paolina princessa Borghese folle à trembler je trouve qu’elle est trop belle maintenant on ne peut plus la toucher en photo peut-être ça l’abîme ou c’est plus intéressant de vendre à la sortie des cartes postales des stylos des carnets des trucs à coller sur le frigo quand j’en suis tombée amoureuse il y a longtemps on pouvait photographier d’habitude je trouve ça bête mais là j’étais bien contente de l’apprivoiser avec mes yeux à moi dans mon boîtier à moi tourner autour et chercher l’angle la lumière j’aurais voulu faire sortir tout le monde et rester seule avec elle je sais c’est grave mais c’est comme ça regardez là ma Paolina en marbre blanc sur sa méridienne Vénus victorieuse la pomme de Pâris au bout des doigts négligente vous ne tremblez pas ? on raconte que dans sa vie elle était légère très légère et qu’elle aimait les costauds les gars musclés donnante prodigue ses bijoux et tout le reste pas très drôle sa vie en fait ma que bella troppo bella bellissima

    mille pattes lentement ondulant et bien patient en sac à dos parlant Babel l’attente est longue mais guère d’autre solution pour voir la merveille plafond la sistina est au bout de la route courage camarade

     

    un parfum entêtant des fleurs blanches du troène je crois dans un jardin près de la via della Navicella mais je ne sais plus si c’était dans ce voyage


     

    porta Portese on y vend les vieilles choses celles dont on ne sait que faire et des neuves aussi tableaux vaisselle livres bergères en porcelaine tabatières disques chandeliers guéridons miroirs vêtements bicyclettes  valises parapluies porte-clés plantes vertes chaussures boucles d’oreille bracelets casquettes grille-pain serviettes de plage tapis ceintures et crèmes de beauté ordinateurs petits trafics & brocanteuses antiquailles c’est dimanche on a tout le temps de jouer les orpailleurs

     


    viaggio viaggiatore voyage voyageur Reise travel trip viaje viagem si seulement je savais pourquoi cet amour des langues comme chansons c’est entrer en territoires secrets interdits & chercher une clé 

    il joue les flots du Danube à l’accordéon rengaine à trois temps valsante et maintenant j’ai ça dans la tête pendant la balade au Capitole entre les morceaux d’empereur en marbre en fait j’aime bien cet air de boîte à musique  flonflon tsointsoin et grazie per la musica signore signori m’emportent les flots du Danube loin d’ici autre rives et histoires de la forêt viennoise traversée en voiture en nuit noire à frémir Meyerling pavillon de chasse très mauvaise idée pour un rendez-vous et cet hôtel perdu impossible à trouver et un vieux lied qui déboule en mémoire Vater mein Vater hörst Du mich nicht ? et à la fin l’enfant était mort mais je m’égare ici les glycines mauves sur l’ambre des murs et main dans la main à regarder les statues pièces détachées il n’y a aucune raison d’avoir peur mais ça titube parfois dans les souvenirs je n’y peux rien

     entre les ocres dériver vaguer voguer & dériver encore

     

     un mercure ailé en pleine course saisi au vol dans le bronze & autour les pins parasols et un peu partout le bavardage des fontaines ô temps suspends etc…c’est un endroit pour se raconter ce genre de choses mais pas trop fort ça ne regarde personne

    souvenirs/enregistrer sous/fichiers temporaires & nos mémoires vives dans la joie de s’attarder sans rien attendre avec tout cet incertain à déchiffrer qu’on en viendra jamais à bout ça c’est certain et parfois savoir aimer ce qui demeure obscur   (...)

     (Photos Gaëlle Josse)

     


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