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Par gaellejosse le 18 Janvier 2010 à 11:17
A l'orée du jour, Michel Cosem,
éditions l'Arbre à Paroles, 12 euros
Paru dans Pages Insulaires
A quoi reconnait-on un poète, un vrai s'entend ? Un regard, une voix, -c'est bien le minimum-, et aussi un indiscutable talent à renouveler les thèmes éternels de la poésie, qu'on croyait épuisés.
Le cycle des saisons, le jour, le soir, la lumière, le froid, le feu, quelques oiseaux, un scarabée, une coccinelle, un chevreuil poursuivi par des chiens, un arbre, deux iris bruns au pied d'un mur de pierre, la chaleur, la brume, l'odeur du foin brûlé, le pain sur la table... A la fois vive et apaisée, vibrante et sereine, aigüe et retenue, la sensibilité de Michel Cosem irrigue chacun de ses textes et retient le lecteur dans ses images, dans le flux de ses mots, toujours choisis avec sûreté. Il fait gris loup sous les fougères/L'ombre a sons visage d'orgueil.
Le sens de l'instant, de sa beauté, de sa vérité, la perception de ce qui est et qui va disparaître signent une présence totale, attentive et légère, et une réceptivité absolue à ce qui s'offre à lui. Chut, il faut se taire/il faut à peine bouger les paupières/il faut regarder la feuille de vigne à l'envers. La vie est là, et bien là, il n'y a qu'à regarder, écouter, toucher, sentir. Poser ses valises, s'asseoir et remonter à la source. Est-ce si compliqué ?
Michel Cosem ne cherche pas l'inspiration, elle vient à lui car il regarde le monde. La beauté est là/inattendue, inespérée/toute blanche et nue/sans mémoire/sans cicatrice. Il y a en lui quelque chose d'un Monet arpentant la campagne, chevalet et boîte de couleurs en bandoulière, célébrant le jour en guettant ses plus infimes nuances de lumière.
Être là au moment juste, et savoir dire. « Capter la lumière des choses avant qu'elle ne s'éloigne », disait Bashô pour définir l'art poétique du haïku. Par instants, nous n'en sommes pas si loin, avec cette façon qu'a l'auteur de respirer, de poser son regard et de laisser les choses parler d'elles-même, par leur seule présence.
Nul besoin de lyrisme frémissant, de métaphores existentielles contournées, de fausses audaces, de tentatives stylistiques approximatives. Un dernier raisin est tombé de la grappe/un merle est parti je ne sais où/nul voyageur ne s'aventure/j'ai plongé mes doigts /dans les restes de lumière/et j'attends. Nous sommes ici en poésie. En pure poésie, écrite à l'encre vive du bonheur d'être.
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