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Par gaellejosse le 18 Janvier 2010 à 11:32
Ciseaux à puits, Anna Jouy, Polder 137, 58p, 6 euros
Paru dans Pages Insulaires 2008
De chair et de sang, de sperme et de tripes. Voilà une écriture qui regarde le lecteur en face, le harponne et ne le lâche pas. Anna Jouy écrit dans le vif. C'est couteau entre les dents qu'elle aborde les mots. Et entaille jusqu'à l'os. Pas de quartier. Pas le temps. C'est l'heure où l'âme sort ses tripes et les dépose en/cadeau aux bohémiens du détritus.
Anna Jouy écrit debout, face au vent. Le silence je l'ai enfiché dans le profond de la terre, dans/un pot pesant/je l'ai nettoyé de pluie puis tuteuré et puis coupé et puis/saqué
Bravache, mais elle tremble. Toute la nuit, les êtres s'accrochent, oh non ne pas mourir dans le noir ! Et rend grâce. je crois bien qu'un tilleul dans quelque lied allemand vient/d'ouvrir ses ramures. Car tout va cesser, un jour ou l'autre.
La vie, éblouissante et contondante. on y va comme au puits/quelque chose est là qui attire et refoule, de montagnes/de chant, des tambours de dégoût/chez moi tout s'éventre et sort en césarienne/et pourtant sur la margelle de cet aven noir, le carnet de/notes d'un géographe poète.
Elle chevauche à cru, et les sexes et les mots. Il faut désirer, et jouir, la solitude est au bout du couloir, de toute façon. j'habite un abandon illustre, grandiose avec balcon. Alors, aimer, et encore aimer. jouir dans un état second, jouir sans mérite peut-être, jouir/d'avoir trouvé le mot bavard quoique lucide, ce mot/second/où je bataille alors que dans de gestes restent à faire.
Écouter le sang taper aux tempes et marcher au bord du précipice, tant pis si on tombe. L'écriture d' Anna Jouy est complexe, dense et polyphonique. Collision frontale, à prendre ou à laisser.
Course à l'abîme, étourdissements. Vous dire combien il est douloureux de chuter du regard/de celui qu'on aime/c'est arrivé hier soir, ses yeux m'ont laissée choir et le vers/s'est brisé : fracture de poésie/il va falloir plâtrer et le mot se rigidifie déjà.
Et questionner, questionner encore. De quels ailés peut-on encore rêver ?
L'ombre de Francis Bacon. Le cri. Bouche et dents ouverts sur le vide, sur du rouge, entre terreur et jouissance. Anna Jouy, haletante, balafrée, vivante.
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